Du 1er au 4e paquet ferroviaire

Procédant par étape, la Commission a commencé par définir les fonctions essentielles et annoncer son intention d’ouvrir à la concurrence le fret international dans son 1er paquet ferroviaire. Ce qui a conduit à la libéralisation effective du fret dans un 2e paquet ferroviaire.

Le 3e paquet ferroviaire a abouti à l’ouverture à la concurrence du transport international des voyageurs (cabotage) laissant inachevée la libéralisation du transport ferroviaire et ouvrant la voie à une ultime réforme libéralisant le transport de voyageurs domestique.

Le 4e paquet ferroviaire dont les volets techniques puis politiques ont fait l’objet d’accords entre les Etats membres en 2015 puis en avril 2016, doit être débattu devant le Parlement européen à l’automne 2016.

1er paquet ferroviaire : définition des fonctions essentielles et ouverture à la concurrence du fret international

Adopté le 26 mars 2001, il entré en vigueur deux ans plus tard, a ainsi été qualifié de « paquet infrastructure ». Composé de deux directives, il eut pour objet de définir une stratégie plus contraignante pour les Etats membres, en approfondissant les textes existants. La directive 2001/12/CE impose aux Etats d’adapter leurs législations pour permettre l’extension des droits d’accès à la partie nationale du réseau transeuropéen de fret, réseau dont le projet d’ouverture à la concurrence fut l’objet principal dudit paquet ferroviaire. Elle a également pour objet de préciser les fonctions, désormais qualifiées d’ « essentielles », qui doivent faire l’objet de précautions supplémentaires, pour éviter toute asymétrie d’informations.

Quelles sont les fonctions essentielles ?

  • préparation et adoption des décisions concernant la délivrance de licences aux entreprises ferroviaires, y compris l’octroi de licences individuelles,
  • adoption des décisions concernant la répartition des sillons, y compris la définition et l’évaluation de la disponibilité, ainsi que l’attribution de sillons individuels,
  • adoption des décisions concernant la tarification de l’infrastructure,
  • contrôle du respect des obligations de service public requises pour la fourniture de certains services.

La directive 2001/13/CE précise la méthode d’attribution des licences ferroviaires pour le fret et la 2001/14/CE définit plus précisément la tâche de répartition des sillons – l’une des fonctions les plus sensibles du gestionnaire de réseau – et impose la création d’un organisme de régulation indépendant. La même année paraît un Livre blanc sur la politique européenne des transports, transcrivant la volonté de la Commission de relancer le transport ferroviaire, sûr et non polluant1. Il sert de base et d’orientation au second paquet ferroviaire.

2e paquet ferroviaire : ouverture à la concurrence du fret

Proposé à la suite de ce Livre blanc, il a été adopté en avril 2004. La principale directive du paquet 2004/51/CE avait pour objet d’ouvrir véritablement l’ouverture à la concurrence du fret international au 1er janvier 2006 et du fret domestique au 1er janvier 2007. Les directives l’accompagnant devaient quant à elles aboutir à l’interopérabilité du réseau à grande vitesse et la création d’une agence nationale de sécurité dans chaque Etat membre, en lien avec l’Agence ferroviaire européenne créée à cette occasion et chargée de rapprocher les règles techniques et de sécurité.

Cette ouverture du fret, plus rapide et plus brutale que prévue, eut des conséquences désastreuses dans les pays peu préparés à un tel changement, à commencer par la France. Le fret français fait aujourd’hui office de précédent pour éviter une répétition des erreurs du passé, expliquant en partie la volonté des pouvoirs publics actuels de réformer la structure de la SNCF pour mieux la préparer à l’ouverture fort probable du transport domestique des voyageurs à la concurrence.

3e paquet ferroviaire : ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs

Le cœur du troisième paquet ferroviaire, proposé dès 2004 et adopté en 2007, est le point sensible de la libéralisation du transport de voyageurs. Prévue par la directive 2007/58/CE, cette libéralisation débute par la prévision de l’ouverture du transport international de voyageurs au plus tard en 2010. Le service international est doublé d’une possibilité de cabotage, c’est-à-dire la possibilité de prendre des passagers dans un pays pour effectuer un trajet intérieur, mais dans le prolongement d’un trajet international.

Par exemple, un train allemand effectuant la desserte Munich-Paris via Strasbourg pourra vendre non seulement du Munich-Paris, du Munich-Strasbourg, comme c’est le cas aujourd’hui, mais aussi du Strasbourg-Paris.2 Cette directive centrale est entourée d’autres textes visant la certification des conducteurs (directive 2007/59/CE), les droits des voyageurs (Règlement n°1371/2007). Le Règlement 1370/2007 (dit « Obligation de service public ») tend à modérer l’évolution dans le sens de la libéralisation. Il instaure un cadre légal en matière d’octroi de compensation et/ou de droits exclusifs pour les contrats de service public à conclure dans le domaine des transports.

L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) est créée lors de la transposition par la France du 3e paquet ferroviaire, en 2009.

Directive « Refonte »

La directive 2012/34/UE, adoptée le 21 novembre 2012 par le Conseil et le Parlement, a été rédigée pour tirer les conséquences du Livre blanc et est actuellement applicable. Loin de constituer une rupture brutale avec la direction établie par les trois paquets ferroviaires précédents, cette directive a pour objet principal la refonte des textes précédents pour éviter de multiplier les textes ; ses avancées sont donc limitées.

La séparation entre gestionnaire d’infrastructure et exploitant ferroviaire est considérée comme acceptable dès lors qu’il existe une séparation comptable entre les deux activités, qui peuvent demeurer au sein de la même entreprise, tant que des divisions distinctes sont mises en place. Une précaution spécifique (article 6 paragraphe 1) mentionne l’interdiction de transférer les aides publiques versées à l’une de ces deux activités à l’autre, afin d’éviter les subventions croisées, qui font partie des atteintes à la concurrence fréquentes lorsque seule une séparation comptable est en place entre le gestionnaire et l’opérateur historique.

La directive reprend en outre les fonctions essentielles énumérées dès la directive 2001/12/CE, en y ajoutant certaines précisions et rappelant que l’investissement, l’entretien et le financement peuvent être confiés à des entreprises ferroviaires et ne constituent donc pas des fonctions essentielles au sens de l’article 6. En l’absence d’indépendance sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel, les fonctions essentielles doivent être assumées par un organisme de tarification et par un organisme de répartition, répondant aux critères d’indépendance posés par la directive.

La directive ne comporte donc pas l’ultime étape de libéralisation du transport des voyageurs mais s’en tient à organiser et confirmer les libéralisations déjà prévues par les directives précédentes.

4e paquet ferroviaire : vers l’ouverture des transports nationaux de voyageurs

Afin de parachever l’espace ferroviaire unique européen, la Commission européenne a présenté un projet de directive rendue publique le 30 janvier 2013. L’étape ultime de la libéralisation doit être réalisée par ce 4e paquet ferroviaire. Il s’agit d’un ensemble de cinq textes composant le pilier « technique » (Agence ferroviaire européenne, interopérabilité et sécurité ferroviaire) et le volet « marché » (gouvernance des acteurs et ouverture à la concurrence du transport de voyageurs)

Le Parlement européen s’est prononcé le 26 février 2014, en première lecture sur les deux volets du 4e paquet ferroviaire, technique et politique. L’année 2015 aura vu une accélération dans le processus de discussion.

Le pilier technique, couvrant les questions de sécurité et l’interopérabilité des réseaux ferroviaires fait l’objet, depuis le mois de juillet 2015, d’un accord informel entre les trois parties : Parlement, Conseil et Commission européens. Il doit être formalisé par le Parlement européen à l’été 2016.

Le pilier « marché » relatif à l’ouverture à la concurrence des marchés nationaux et à la gouvernance des acteurs du système ferroviaire, a fait l’objet d’un accord entre les Etats membres et le Parlement européen, le 28 avril 2016. Il a été définitivement adopté mi-décembre 2016 et devrait être publié d’ici à la fin de cette même année.

Les grands enjeux des textes portent sur le périmètre et le calendrier d’ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires nationaux. Cela vise l’open access pour les lignes nationales non conventionnées (les LGV en France) et l’attribution par appel d’offres pour les contrats de service public de transport nationaux ou régionaux (TER et Trains d’équilibre du territoire).

A partir du 3 décembre 2019, il n’y aura plus de monopole d’Etat et ces lignes pourront être ouvertes à d’autres opérateurs. Sur les lignes nationales non conventionnées, ils pourront commercialiser des liaisons à partir de décembre 2019 pour l’horaire de service 2021, sous le contrôle du régulateur.

Pour les contrats de service public, les autorités organisatrices pourront lancer des appels d’offres dès décembre 2019. A partir de 2023, l’attribution concurrentielle devient la règle.

Les textes du 4e paquet ferroviaire tendent également à clarifier les relations entre les gestionnaires d’infrastructure et les entreprises afin de permettre au système ferroviaire européen d’être plus ouvert à la concurrence, plus compétitif et, in fine, de rendre le service le meilleur possible pour les clients et usagers du transport ferroviaire. Ils prévoient ainsi un rôle renforcé du régulateur pour garantir l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure.

Le législateur a également étendu le domaine de contrôle du régulateur aux activités de gestion de la circulation et de programmation des travaux pour veiller à ce qu’elles ne soient pas des sources d’entrave au bon fonctionnement du marché.